Scandaleusement célèbre

J’ai pensé qu'il fallait que je dise un mot sur l'étrange coïncidence entre mon film et "Truman Capote." Qui aurait cru que Dan Futterman, le talentueux scénariste de "Capote" et moi nous retrouverions dans la même position difficile que ces réalisateurs de films-catastrophe ? Je me rappelle quand j'ai entendu parler de l'autre film. J'avais appelé Bingham Ray, pour qui j'avais réalisé "Nicholas Nickleby" pour lui dire que je voulais lui envoyer le scénario de mon nouveau film sur Truman Capote. Il m'a répondu de manière laconique, comme à son habitude: "Il est sur mon bureau." J'ai regardé mon bureau où se trouvait le scénario. "Comment est-ce possible" lui ai-je demandé "vu qu'il est encore sur le mien ?". Il m'a répondu : "Je l'ai sous les yeux : "Capote" de Dan... "Et là, il y a eu ce que l'on peut appeler un silence gêné... C'était l’été 2003. Dan et moi développions tous deux, au même moment, un film non seulement sur le même auteur, mais sur la même période de sa vie. En outre, en plus de son scénario, Dan avait un avantage de taille : son pote, Philip Seymour Hoffmann, devait jouer le rôle principal. (Quand j'ai appris son casting, j'ai dit à ma femme : "Philip est un très bon choix pour Truman." Je peux dire que sur ce point-là, j'étais vaincu.) On a vite établi un contrat avec Warner Independent pour réaliser le film. On avait le financement mais il nous manquait Truman. L'équipe de "Capote" avait leur Truman mais pas de financement. Et pendant deux ans, on a cherché ce qui nous manquait. Curieusement, en quelques mois, nous avons tout deux trouvé ce que nous cherchions. Ils ont eu leur financement et ont commencé leur tournage à l'automne 2004, on a trouvé notre Truman et on a commencé à tourner quelques mois plus tard. Comme l'autre film avait démarré en premier, Warner voulait retarder le nôtre pour qu'ils ne se fassent pas d'ombre. Qu'y avait-il de si intéressant dans ce petit bonhomme pour qu'il soit le sujet de deux films ? Je vais vous dire ce qui m'intéressait. Ce n'était pas l'histoire de l'écrivain new-yorkais qui part au Kansas pour écrire sur un crime terrible, ni le fait qu'un écrivain homosexuel new-yorkais aille au Kansas. Ce qui me fascinait chez Truman Capote, c'était que c'était un écrivain homosexuel de la haute société new-yorkaise qui partait au Kansas pour écrire sur ce crime. C'était le fou du roi et le confident de la crème de la haute société de Manhattan et toute l'histoire tournait autour de ça. Savoir qu'il vient d'un milieu chic et privilégié ajoute une touche comique à son arrivée dans le Kansas. (Son idée du colis de survie, par exemple, quand Babe Paley lui envoie une boîte de caviar beluga.) Mais ce qui s'annonce comme une comédie de mœurs prend lentement un ton plus noir et au milieu du film, je le fais revenir à New York pour montrer les changements qu'opèrent sur lui ses liens de plus en plus forts avec le meurtrier Perry Smith. Je voulais, pour la même raison, que le film se termine à New York, pour délibérément faire écho au début, sauf qu'à présent, tous ces déjeuners qui avaient l'air si amusants sonnent faux, parce que son expérience au Kansas l'a changé à jamais.

Le glissement progressif mais définitif de la lumière aux ténèbres, de la comédie à la tragédie est en accord avec la vie de Capote : sa jeunesse a été marquée par son intelligente insouciance et son effervescence, une incroyable confiance en lui et le plaisir certain qu'il prenait à conquérir le monde. Mais les années qui suivirent furent plus amères. Il n'arrivait pas à finir le travail promis, il se brouillait avec des amis, il avait des liaisons débridées et mal choisies et un penchant débilitant pour l'alcool et les médicaments qui n'a fait que précipiter sa chute. Le film montre ce glissement du triomphe à la tragédie. Bien que j'aie été surpris, lors de ma conversation avec Bingham Ray, d'apprendre qu'un autre scénario traitait du même sujet, cela n'avait rien de mystérieux. Vu les contradictions fascinantes de la personnalité de Capote, la palette des personnes qui composaient son cercle et les tournures comiques et tragiques qui ont marqué cette période, le plus étonnant est qu'il n'y ait eu que deux scénarios. Je salue nos amis de l'autre film et je suis ravi de vous accueillir dans le nôtre.